Nicolas Fischer, chargé de recherche CNRS au CESDIP, présente ici les résultats d’une recherche initialement menée dans le cadre d’une thèse de doctorat, et publiée sous forme d’ouvrage en 2017.

Les centres de rétention administrative (CRA) sont aujourd’hui au nombre de 25 sur le territoire français. Destinés à l’enfermement des étrangers en instance d’éloignement du territoire, ils font désormais partie intégrante du dispositif visant à détecter les étrangers dépourvus de titre de séjour sur le territoire français et à s’assurer de leur renvoi effectif vers leur pays d’origine. Le statut juridique et la légitimité politique de cette institution ont pourtant été historiquement débattus, et font encore l’objet de contestations régulières aujourd’hui. Ce caractère problématique de la rétention tient avant tout à son caractère administratif : dispositifs d’enfermement, les CRA ne relèvent pourtant ni de l’administration pénitentiaire, ni du pouvoir judiciaire. Ils dépendent au contraire des préfectures, et leur surveillance est aujourd’hui assurée exclusivement par la Police de l’Air et des Frontières (PAF). Ils assurent, au surplus, une privation de liberté dépourvue de tout objectif officiellement punitif : à la manière d’une mesure de police, la rétention ne vise en effet qu’à enfermer préventivement une personne risquant de se soustraire à la mise en œuvre de son renvoi du territoire. Pour résumer, les CRA sont nettement distincts des prisons, mais ils s’apparentent à une autre institution au moins aussi problématique au sein d’un Etat de droit, celle de l’internement administratif souvent associé aux périodes d’exception.

C’est à ce titre qu’ils ont fait l’objet de multiples contestations militantes, mais aussi d’études critiques aujourd’hui abondantes en sciences sociales : espaces policiers, les CRA peuvent en effet se décrire comme la résurgence contemporaine des camps (de regroupement, d’internement) mis en place par les démocraties européennes tout au long du XXème siècle, et que la Troisième République avait multipliés dans les années 1930 pour la surveillance des réfugiés. Dans cette perspective, ils sont volontiers considérés comme des espaces d’exception ou d’urgence au cœur des démocraties, caractérisés par un cadre juridique sommaire, des conditions d’enfermement précaires, et une gestion « empirique » laissée à la discrétion des policiers sur le terrain.

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