Résumé :
Cette thèse s’intéresse aux mobilisations d’habitants et de commerçants de grandes villes en France contre l’insécurité et aux réponses apportées à leurs revendications par les pouvoirs publics en charge de l’ordre et de la tranquillité urbaine. Situées à l’échelle d’un quartier ou d’une rue, ces mobilisations sont portées par des collectifs mixtes habitants-commerçants qui ne s’appuient pas nécessairement sur des structures préexistantes ; ils demandent la répression de la délinquance et de l’économie illicite, la régulation des manières d’occuper l’espace public et davantage de présence policière dans leurs secteurs et essaient fédérer autour de ces questions « par le bas ». Ces mobilisations, qui cherchent a minima le soutien et surtout l’intervention des autorités, interpellent plus directement et de façon critique les élus locaux, désignés comme responsables de situations sécuritaires qui se dégradent (Le Goff, 2008). Elles peuvent prendre différentes formes (page Facebook, tractage, manifestation de rue, création d’une association…), évoluer ou s’éteindre dans le temps ; leur caractère souvent irrégulier et erratique n’empêche pas leurs représentants d’être très présents dans les médias et dans le débat public local et parfois d’avoir une résonance nationale, ce qui s’apparente à une forme de paradoxe.
Ces mobilisations peuvent par ailleurs susciter des contre-mobilisations prônant une approche moins sécuritaire des enjeux et révélant surtout la complexité et l’étendu du tissu socio-économique micro-communal (d’où l’intérêt d’avoir choisi des études de cas localisées).
Critiques des institutions dont ils dépendent pour la résolution de leurs problèmes, ces groupes se prêtent néanmoins à des formes de coopération et d’enrôlement de la part des pouvoirs publics qui ouvrent les espaces de gouvernance de la sécurité, d’habitude réservées aux décideurs et aux professionnels du secteur, aux contributions de la société locale. Aussi, après avoir étudié la manière dont les mobilisations intègrent l’agenda municipal, nous analysons en miroir la façon dont les édiles et leurs adjoints investissent les demandes de plus de sécurité (Malochet, 2017) qui leur sont adressées, les cadrages et les registres utilisés, le travail d’ajustement de leurs programmes politiques. Mais le traitement politique des préoccupations mises en exergue par ces mouvements se lit aussi en fonction des relations collectivités-État, coproducteurs de la sécurité dans les territoires (Gautron, 2010). Autrement dit, le partage de responsabilités et de compétences, la division du travail de sécurité au niveau local dont le policing des espaces urbains entre polices municipales et forces étatiques, et les types de partenariat villes-État ont des effets concrets sur les mesures mises en place et le champ des possibles.
La thèse s’inscrit dans une approche pluridisciplinaire ; elle croise les outils théoriques et conceptuels issus de la sociologie politique du pouvoir local, de l’analyse des politiques publiques, de la sociologie des mouvements sociaux et de la sociologie de la police. La recherche sera menée en perspective comparative à partir des dernières élections municipales de 2020 à travers trois terrains en France à Lyon, Nantes et Bordeaux ; elle emprunte essentiellement à des méthodes qualitatives (entretiens semi-directifs, observations) et à un suivi régulier de l’actualité (lois, règlements, documents administratifs, revues de presse).
Mots-clés :
Action publique – Sécurité locale – Gouvernance multiniveaux – Territoire – Mobilisation – Habitants/Commerçants