Compte-rendu d’une shadow-entrevue avec le cabinet du ministre de l’enseignement supérieur
par Fabien JOBARD – février 2012
Nous avions publié il y a quelques semaines un compte-rendu d’une entrevue avec le cabinet du ministre, qui avait sollicité ces échanges en vue de débattre d’une éventuelle section de criminologie au CNU. Or, le lundi 27 février, jour de notre entrevue, cela faisait 14 jours déjà que l’arrêté créant la section était signé ! (voir JORF n°0064 du 15 mars 2012 page 4800 texte n° 40 portant deux arrêtés du 13 février)…
Nous reproduisons, inchangés, les termes de notre compte-rendu.
Une délégation formée de Virginie Gautron, maître de conférences à l’Université de Nantes, Alain Blanc, président de l’Association française de criminologie, Jacques Buisson, président de l’Association française de droit pénal, Fabien Jobard, directeur du CESDIP et Xavier Pin, professeur de droit pénal, a rencontré ce lundi 27 février M. Thierry Rambaud, conseiller « Enseignement supérieur / Sciences humaines et sociales » au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, sollicité par nous sur les questions relatives à la création imminente d’une 75e section du CNU, section de criminologie. Nous le remercions de nous avoir reçus.
Voici la synthèse de la teneur de nos échanges :
- Le ministère refuse de communiquer à la communauté universitaire les résultats de la « consultation publique » ouverte en mars 2011 et clôturée en juin 2011. Une centaine de personnes auraient répondu mais le Ministère n’est pas disposé à révéler les opinions exprimées. Tout au plus nous a-t-il été indiqué un « clivage » entre les juristes qui seraient « plutôt réservés » et les médecins et autres qui seraient « plus tempérés ».
- Le ministère refuse de nous indiquer le calendrier relatif à la constitution de la section en question. La seule indication qui nous a été donnée est que le mois d’avril correspond traditionnellement à un « temps de réserve » durant lequel les ministères ne prennent plus de décision compte-tenu des élections présidentielles. Le ministère a refusé de nous dire si oui ou non il y aurait une décision en mars.
- Il nous a été affirmé que quiconque aurait publiquement fait valoir sa nomination dans une section criminologie du CNU n’était pas fondé à le faire : aucune nomination n’a été arrêtée.
- La procédure, qui pourrait donc être mise en œuvre en mars 2012, impliquera la prise de 3 arrêtés : un arrêté autorisant l’ouverture d’une nouvelle section, un arrêté de nomination des membres de cette section, et un arrêté appelant la constitution d’un corps électoral. Il a été soutenu que l’absence d’un corps électoral ne devrait pas faire obstacle aux deux premiers arrêtés. Néanmoins, si, une fois la section formée, le nombre d’électeurs n’était pas substantiellement supérieur au nombre de membres, la section ne serait pas viable.
- Le ministère n’a pas été en mesure de nous indiquer les besoins actuels en termes d’emploi auxquels répondrait une section CNU de criminologie.
- Le ministère n’a pas été en mesure de nous indiquer la moindre définition de la discipline évoquée. Tout au plus nous a-t-il été indiqué, d’une part, que la section en question s’intitulerait uniquement « criminologie » et d’autre part que les docteurs qui ne trouvaient pas de qualification dans les sections 01, 02, 04, 19, 22 pourraient trouver espoir de se voir qualifiés dans cette nouvelle section : tel serait l’objectif.
- Enfin nous avons interrogés notre interlocuteur sur deux alternatives possibles au projet en cours, à savoir :
– La double qualification par la section disciplinaire d’origine puis par la section de criminologie.
– La rénovation des Instituts de Sciences Criminelles et plus largement le soutien à l’ouverture des Universités à la criminologie dans les sections existantes.
Le ministère a rejeté la première proposition : il n’entend pas que la section de criminologie délivre une habilitation après une qualification délivrée par une autre section. Il a pris bonne note de la seconde proposition.
Dans une courte vidéo, réalisée par les services de communication de l’UVSQ, le directeur du Cesdip fait le point sur le rapport du laboratoire à la criminologie.
Fabien Jobard fait le point sur la criminologie en France réalisée par UVSQcommunication
Voir en ligne : Un rapide article de Louise Fessard résume les épisodes récents
Post-scriptum :
Les associations savantes et les instances académiques se sont prononcées contre le projet de création de section criminologie :
Motion de la Commission permanente de la Commission nationale universitaire : http://www.cpcnu.fr/detailActualite…
Association française de criminologie : http://afc-assoc.org/?q=node/34,
Association française de science politique : http://www.afsp.msh-paris.fr/,
Association des juristes pénalistes : http://www.francepenal.org/# !consei…
Association française de sociologie : http://www.afs-socio.fr/lettre-en-c…
Texte signé par près de 70 collègues, dont de nombreux directeurs d’instituts de sciences criminelles et de criminologie : http://isc-epred.labo.univ-poitiers…
Qualité de la science française : http://www.qsf.fr/2011/03/08/a-prop…
Revue champ pénal : http://champpenal.revues.org/7999,
CESDIP : http://www.cesdip.fr/spip.php?article552