Sherlock Holmes et les enquêteurs qui sont les héros de nos soirées télévisées, doivent beaucoup à Alphonse Bertillon (1853-1914). Établir avec certitude « qui est qui », photographier méthodiquement les scènes de crime, collecter et analyser les traces laissées par les malfaiteurs… Rien ne semble échapper à ce fin limier qui modernise les méthodes et les outils d’identification et inspire ainsi les polices du monde entier !

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Alphonse Bertillon tient une place essentielle dans l’histoire des savoirs sur le crime durant la période comprise entre la fin du XIX e et le début du XX e siècle. À partir des années 1880, il contribue à l’instauration de nouvelles méthodes d’identification des récidivistes et promeut un savoir et des instruments rationnels qui se diffusent très largement dans l’univers policier tant en France qu’à l’étranger.

Reconnu comme l’un des fondateurs de la police scientifique, son travail innovant porte sur un nombre considérable de sujets : de la photographie judiciaire à la dactyloscopie, de l’administration des fichiers à l’analyse des traces, du signalement à la graphologie.

Objets personnels de Bertillon, presse illustrée et caricatures, films et photographies, pièces de l’affaire Dreyfus, valise de mensuration et appareil photographique appartenant au Service Régional d’Identité Judiciaire de Paris, aux Archives départementales du Calvados ou issus de collections personnelles (Pascal Vincent, descendant direct d’Alphonse Bertillon)… Deux cent objets et documents inédits sont ici exposés pour présenter le « bertillonnage » et ses multiples enjeux.

 

Du 29 avril au 1er novembre 2015, une exposition lui est consacrée, dont voici le parcours.

Introduction : Le « bertillonnage », une méthode révolutionnaire

Par le savoir, les méthodes et les procédés qu’il invente et met en œuvre, Bertillon transforme en profondeur les logiques et les pratiques policières en matière d’identification et d’enquête.

1 – Les malfaiteurs confondus par la police

L’essor de l’anthropométrie judiciaire en France s’explique en grande partie par l’adoption de la loi française sur la relégation des récidivistes de 1885. La mensuration des personnes s’impose pour déterminer infailliblement l’identité de chacun. Se met en place un archivage massif des données collectées dans le cadre de vastes fichiers de police classés méthodiquement.

2 – La preuve par l’image

Bertillon rationalise le protocole photographique pour parfaire son dispositif d’identification : il codifie la photographie face/profil, met au point de nouveaux appareils et organise de manière rigoureuse tous les aspects du service photographique de la Préfecture de police de Paris.

3 – Signalement

Bertillon est à l’origine du nouveau regard que la police porte sur le corps. Décrites mathématiquement, les différentes parties du visage sont ensuite minutieusement répertoriées, classées, comparées, mises en forme visuellement pour notamment servir à l’élaboration du « portrait parlé » qui permet d’envisager une surveillance plus efficace.

4 – Traces, indices et scènes de crime

Bertillon relève, collecte, interprète et conserve des traces très diverses afin de faciliter les investigations policières. Inventeur de la photographie métrique de scène de crime, on lui doit bien d’autres inventions (la « bertillonne », le « dynamomètre d’effraction », etc.) grâce auxquelles les forces de l’ordre peuvent espérer interpréter une multitude d’indices infimes.

5 – L’affaire Dreyfus Dans l’affaire Dreyfus, Bertillon intervient pour se prononcer sur le fameux « bordereau ». Convaincu qu’Alfred Dreyfus a falsifié sa propre écriture, il élabore et expose une analyse graphologique peu probante. Une large partie de la classe politique et de la presse le prend pour cible de ses critiques et c’est la figure même de l’expert qui devient alors sujette à caution.

6 – Un modèle pour les polices du monde entier

Le bertillonnage s’impose rapidement comme un idéal de rationalité et d’efficacité policière dans de très nombreux pays qui s’en inspirent, le copient, l’adaptent et créent des services d’identification judiciaire organisés selon les principes définis par Bertillon. Avec la standardisation du savoir policier s’accroissent aussi les échanges d’informations entre force de l’ordre à l’échelle mondiale et se dessinent les prémices de pratiques policières transnationales.

7 – Populations sous surveillance

Initialement destiné à rendre plus fiable l’identification des délinquants et criminels récidivistes, le bertillonnage fait rapidement l’objet d’applications élargies. Anarchistes, « indigènes » des colonies, tsiganes sont particulièrement ciblés par ce dispositif de contrôle et de surveillance d’envergure. Ces catégories de population deviennent indissociables des mesures policières qui leur sont imposées à des fins répressives et qui participent de la sorte directement à leur criminalisation.

8 – Caricaturé !

Si ses inventions fascinent, Bertillon fait également l’objet de nombreuses critiques et caricatures. On ironise sur son obsession des mensurations revêtant un caractère humiliant pour ceux à qui elles sont imposées, sur sa manie des calculs ou encore la complexité mathématique de son système que parviendraient pourtant à déjouer les plus habiles criminels. Sur Bertillon se cristallisent aussi les critiques portant sur les projets gouvernementaux de fichage généralisé de la population, sur l’accroissement des prérogatives policières et leurs abus liberticides.

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