par Bruno AUBUSSON DE CAVARLAY, Marie-Danièle BARRE – avril 2008

 

L’analyse statistique de la demande enregistrée par les tribunaux administratifs présentée ici vient à la suite d’une première étude menée sur la période 1999-2004 [1]. Avec une extension de deux ans des séries chronologiques produites, il s’agit essentiellement de la même source de données, soit la base de gestion informatisée des requêtes traitées par les tribunaux administratifs (base Skipper). Les statistiques d’activité annuelle diffusées par le Conseil d’État reposent également sur cette source, mais le retour aux données de base permet une présentation un peu différente et des calculs d’indicateurs statistiques plus précis.

Pour cette nouvelle étude, les données qui nous ont été communiquées par le Service des tribunaux administratifs et des cours d’appel incluaient des informations supplémentaires par rapport à celles qui entrent dans l’exploitation statistique annuelle. Celles-ci n’ont pas fait l’objet d’une exploitation systématique. Seules certaines d’entre elles -la nature du requérant, personne physique ou morale et la représentation par avocat- ont été explorées sur deux contentieux (logement et permis de conduire), apportant ainsi un éclairage intéressant sur leurs évolutions.

La première analyse effectuée sur la période 1999-2004 comportait deux volets qui ne sont pas repris dans cette actualisation. Il s’agit d’une part des développements méthodologiques concernant la base de données elle-même, les unités de compte et les variables étudiées. Le lecteur intéressé par ces aspects est invité à s’y reporter et dans le texte suivant, la référence à ce rapport apparaîtra de temps à autre. Le seul aspect repris ici (voir annexe 1) concerne les renvois entre juridictions et les doubles comptes qu’ils peuvent engendrer. L’accès aux données individuelles a rendu possible un traitement plus précis de ces affaires.

Le premier rapport contenait d’autre part, et c’était son objet principal, une tentative de contextualisation, au niveau départemental, de la demande enregistrée par les tribunaux administratifs. Des indicateurs de contexte, décrivant de façon large un environnement démographique et socioéconomique et des indicateurs dits périmétriques plus spécifiques susceptibles de conditionner le volume de la demande enregistrée par les tribunaux administratifs ont été utilisés pour le total des affaires et pour certains contentieux (contentieux fiscal, étrangers, fonction publique, urbanisme). Menée pour les affaires enregistrées en 2003-2004, cette analyse n’a pas été actualisée sur la période suivante et il est peu probable que cela modifierait fondamentalement le bilan de cette approche.

En effet, notre conclusion provisoire mettait en évidence deux difficultés.

La première concerne la nomenclature « matière » appliquée pour le codage des affaires lors de leur enregistrement par les greffes. Cette nomenclature ne semble pas avoir été conçue pour une production statistique et son emploi à cette fin se heurte à des problèmes d’homogénéité temporelle et spatiale des rubriques. En outre, mais c’est le propre de la plupart des nomenclatures juridiques, le statisticien est confronté à un déséquilibre important dans la répartition des cas entre les rubriques, avec une bonne partie des affaires traitées concentrée sur quelques postes (pour la justice administrative, les rubriques concernant les étrangers, certaines rubriques du contentieux fiscal ou relatif à la fonction publique).

La transformation de cette nomenclature de départ en une typologie adéquate pour le traitement statistique est une longue tâche qui n’est pas terminée. Elle suppose d’abord une analyse minutieuse des résultats observés, quelle que soit la méthode plus ou moins sophistiquée que l’on utilise. Pour la présente étude, nous avons donc pris le parti de reprendre, de façon d’abord descriptive, l’étude des divers postes de la nomenclature, que nous présenterons de façon synthétique sur une base chronologique dans le premier chapitre et ensuite, selon les postes plus significatifs, au travers de fiches descriptives détaillées. Celles-ci figuraient déjà comme annexe dans le premier rapport. Elles sont ici enrichies et systématisées dans le troisième chapitre qui n’est le plus long qu’en raison du nombre de cartes proposées à la lecture.

Entre ces deux chapitres, c’est la seconde difficulté rencontrée dans notre première étude exploratoire qui fera l’objet de nouveaux développements. Il s’avère en effet que la dispersion géographique des affaires enregistrées par contentieux est importante, avec des concentrations fréquentes sur un ou quelques départements. Cet aspect rendait certains résultats des analyses contextuelles assez instables ou en tout cas sensibles à la situation de quelques départements. L’analyse chronologique semblait renforcer ce caractère avec l’existence de « pics » dans les courbes, pouvant parfois être attribués à des évolutions très localisées. Dans cette étude, nous avons donc repris ces questions de façon plus systématique pour combiner finalement des indicateurs d’évolution et des indicateurs de dispersion géographique.

Au bout du parcours, quelques constatations générales peuvent être faites.

La comparaison du poids relatif de chaque matière en 2006 avec son poids sur toute la période 1999-2006 témoigne, par les écarts parfois importants, d’évolutions très contrastées dans le temps de ces matières. Ce constat était déjà fait pour la période 1999-2004. Mais il suffit de rajouter les deux années 2005 et 2006 pour modifier très sensiblement l’indicateur de contribution à l’accroissement calculé maintenant sur la période 1999-2006. Il se confirme donc que l’on se trouve devant un matériau statistique très instable dans son évolution temporelle. Et par conséquent, l’exercice de construction d’une nomenclature adéquate pour le décrire conduit lui-même à une solution instable.

L’introduction de la dimension géographique et le suivi des indicateurs de dispersion nouvellement introduits compliquent encore le tableau. Une conclusion importante de cette seconde étude, à côté de riches résultats descriptifs que nous ne chercherons pas à résumer, pourrait venir après le second chapitre consacré à l’analyse « chrono-géographique ». Les données traitées pourraient, en principe, faire l’objet d’une analyse statistique plus poussée, mêlant les deux dimensions selon des méthodes dites de panel. Mais l’étude descriptive proposée ici n’aplanit pas l’obstacle rencontré lors de la première étude, bien au contraire. Les variations spatiales et les variations temporelles des taux de requêtes par contentieux ne semblent pas dépendre de la même dynamique, sauf lorsqu’il y a seulement lieu de constater que l’essentiel de ces variations se concentre dans le temps et dans l’espace sur un département (et peut-être en fait à un niveau géographique plus fin échappant à l’observation).

Il reste un volet important à explorer au travers de cette base de données. Il s’agit de l’étude de la réponse apportée et des temps de traitement. Les délais importants de réponse de la justice administrative (ou leur raccourcissement avec les référés) peuvent influer sur la demande et méritent en eux-mêmes une étude approfondie. Certains contentieux connaissent sans doute une transformation des réponses apportées, en interaction avec les variations de leur volume. Mais ceci suppose une étude de cohortes d’affaires sur une période suffisante. Dans cette perspective, la base sur laquelle nous avons pu travailler n’était pas tout à fait suffisante. Si les affaires enregistrées en 2005 et 2006 y figuraient, les décisions rendues au cours de ces mêmes années, pour des affaires enregistrées antérieurement n’y étaient pas portées. Le temps d’observation était donc trop réduit pour les cohortes les plus récentes. Il faut dire aussi tout simplement que le temps nous a manqué pour mener en même temps ces divers chantiers.

 


[1] BARRÉ M.D., AUBUSSON DE CAVARLAY B., ZIMOLAG M., 2005, Dynamique du contentieux administratif, analyse statistique de la demande enregistrée par les tribunaux administratifs (1999-2004), Guyancourt, CESDIP, Collection « Études et Données Pénales », Hors-Série..

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