Etudes et Données Pénales

Les coûts du crime en France

Par Jérémie VANDENBUNDER (avril 2022)

Le présent rapport et le suivant présentent les résultats d’une recherche visant à établir les coûts du crime en France et leur évolution durant la décennie 2010-2019. Cette étude s’inscrit dans le prolongement des travaux menés au CESDIP depuis la moitié des années 1970 jusqu’à la fin des années 1990 par Thierry Godefroy et ses collaborateurs. Les résultats présentés ici et dans le second tome constituent donc une mise à jour de l’approche dite du coût du crime en France, autant pour les données que pour les méthodes employées.

Le premier tome de cette recherche est consacré aux dépenses de sécurité, qu’elles soient publiques ou privées. Reprenant là encore le point de vue adopté par nos prédécesseurs, nous définissons les dépenses de sécurité comme toute dépense visant à « diminuer la fréquence des infractions, pour celles qui n’ont pu être prévenues, en réduire la gravité, permettre l’indemnisation des dommages et préjudices subis par les victimes et enfin punir les auteurs. » Dans le domaine des dépenses publiques, sont donc comptabilisés les budgets de la police et de la gendarmerie nationales, des polices municipales et d’autres agences de contrôle des infractions (fisc, répression des fraudes, inspection du travail, etc.) Les budgets de la Justice sont également pris en compte, de même que ceux consacrés à la prévention sociale. A chaque fois, il a été tenté de distinguer la part des budgets de ces différentes institutions effectivement consacrée au contrôle des infractions. Pour ce qui concerne les dépenses privées, sont concernées les différentes dépenses de protection et les dépenses d’assurances, facultatives comme obligatoires. Dans tous ces domaines, sont présentées les données disponibles et les différentes opérations réalisées sur celles-ci pour établir les estimations.

En définitive, la présente étude estime que les dépenses de contrôle des infractions, telles que définies précédemment, s’élevaient à 51 milliards d’euros en 2018, ce qui équivaut à 2,2 % du PIB. Pour les dépenses publiques, elles représentaient la même année 9,1 % du budget général de l’Etat pour un montant total de 30 milliards d’euros. La part la plus importante de ce budget est dévolue à la police et à la gendarmerie nationales. Concernant l’évolution entre 2010 et 2019, on constate une augmentation des budgets de la Justice, opérant ainsi un rattrapage partiel par rapport aux autres postes de dépenses. A l’inverse, les budgets des autres agences de contrôle, notamment la répression des fraudes ou l’inspection du travail, sont en baisse. En ce qui concerne les dépenses privées, on note une forte augmentation sur la période des dépenses de cybersécurité, quand bien même elles sont sans doute sous-estimées dans ce rapport. La répartition entre dépenses publiques et privées reste stable sur la période, respectivement entre 57 et 43 % des dépenses totales. Malgré l’augmentation des dépenses privées, on ne constate donc pas une privatisation de la sécurité. Cette stabilité relative s’explique sans doute par la faible substituabilité qui existe entre dépenses privées et publiques dans ce domaine, comme le constataient d’ailleurs nos prédécesseurs.

Le second tome de cette recherche vise à établir une estimation monétaire de différents types de criminalité. « Moins que l’affichage des grands nombres, il s’agit de mettre en rapport sous un angle différent, ici monétaire, diverses infractions ; d’arriver à un tableau vraisemblable des contre-valeurs monétaires. » (Godefroy & Palle, 1998, p. 14). Pour réaliser un tel tableau, il est nécessaire d’adopter des méthodes d’estimation adaptées pour chaque type de criminalités, qu’il s’agisse d’évaluer l’importance de tel ou tel phénomène criminel ou bien d’appliquer une valeur monétaire réaliste à ce même phénomène.

Pour ce qui concerne les atteintes à la vie humaine, les différentes méthodes d’estimation du coût de la vie sont présentées et argumentées. Dans le présent rapport, ce sont les montants préconisés dans le rapport Quinet (2013) qui sont adoptés pour les tués, les blessés graves et légers. Sont comptabilisés les homicides volontaires (selon la source policière), les agressions physiques sans caractère sexuel (le nombre de faits étant calculés en fonction des résultats de l’enquête de victimation Conditions de vie et sécurité) et les atteintes involontaires à la vie humaine, qu’ils s’agissent des accidents de la route ou du travail, impliquant la responsabilité d’un tiers. Face aux difficultés rencontrées pour estimer le nombre d’agressions à caractère sexuel, mais aussi pour en fixer une contre-valeur monétaire, il a été décidé de ne pas proposer d’estimation monétaire pour ce type d’atteintes.

Au sujet des vols, ce sont les données obtenues auprès de la Fédération française de l’assurance qui ont été conservées afin d’estimer la totalité du préjudice subi, notamment pour les vols de véhicules à moteur et pour les cambriolages. Toutefois, des tentatives d’estimation de ces préjudices via les résultats de l’enquête CVS sont présentées. Pour les vols à main armée et les vols dans les magasins, les estimations sont fondées sur des études extérieures. Les montants des préjudices causés par les infractions aux moyens de paiement sont estimés à l’aide des données fournies annuellement par l’Observatoire des moyens de paiement. Le faux monnayage est lui évalué à hauteur des faux billets saisis par la Banque centrale européenne. Quant à la cybercriminalité, son coût est estimé en fonction de différentes études produites par des experts du domaine. Pour les différentes fraudes portant préjudice aux finances publiques (fraude douanière, fraude à la TVA, fraude fiscale, fraude aux cotisations sociales, fraude aux prestations sociales), une distinction est faite entre fraude constatée (et présentée dans les bilans annuels de la Mission interministérielle de coordination anti-fraude) et fraude estimée. Lorsqu’elles existent, les différentes méthodes d’estimation et les montants correspondants sont présentés dans ce rapport. Pour le proxénétisme et les infractions liés aux stupéfiants, les conclusions des études portant sur le coût social de ces formes de criminalités sont rapportées. Mais ce sont surtout les « chiffres d’affaire » de ces différents trafics qui sont conservés.

En conclusion, une comparaison des différents types de criminalités évoqués est réalisée en fonction de leur contre-valeur monétaire. Comme dans les rapports précédents, ce sont les atteintes à la vie humaine et la fraude fiscale qui représentent les montants les plus élevés. Cela dit, la cybercriminalité implique des préjudices financiers de plus en plus importants.

Premier tome

Second Tome

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