Le Cesdip s’oppose aux deux réformes en cours, portant respectivement sur les retraites et sur la programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Le laboratoire exprime également son soutien aux mouvements de contestation initiés et aux personnes qui s’y engagent.

Nous avons fait le choix d’une carrière scientifique ou d’appui à la recherche en parfaite connaissance de cause : des rémunérations certes largement inférieures, à qualifications et diplômes équivalents, aux rémunérations versées dans d’autres secteurs d’activité, privés comme publics ; mais également une forte attractivité nationale et internationale de nos professions, régulièrement soulignée – y compris par le CNRS lui-même. Cette attractivité tient à l’indépendance garantie dans l’exercice de nos métiers, à la qualité des
services publics en France et à la perspective d’un équilibre des revenus permis par des pensions de retraite calculées sur nos six derniers mois d’activité.

Ce sont précisément ces dimensions qui se trouvent durement frappées par les deux projets de loi que le gouvernement souhaite imposer. En effet, la destruction du système de retraites actuel sape le contrat social passé avec les agent·e·s et mine le service public. Ce bouleversement impacte davantage encore les personnels d’appui à la recherche, dont les rémunérations de début de carrière sont particulièrement faibles. Par ailleurs, les éléments volontairement flous, mais déjà très inquiétants, contenus dans la LPPR compromettent la préservation d’une recherche publique pérenne et inscrite dans la longue durée, conditions sine qua non de sa qualité et de son indépendance.

Le savoir scientifique, s’il veut être fiable, et donc essentiel à la société, procède de l’accumulation patiente de connaissances, et non de l’éclat de génie solitaire. Il résulte de la stabilité et de la sérénité des collectifs scientifiques, de l’assurance de poursuivre demain les travaux engagés hier, et de la stabilité des statuts individuels et des structures collectives. Soit l’exact opposé de ce que propose aujourd’hui la LPPR (dans la lignée par exemple de l’extension du Contrat de chantier à la recherche publique, décidée en 2019) : la précarisation des chercheur·e·s et des personnels d’appui à la recherche, l’individualisation des statuts et des parcours, la bureaucratisation de leurs métiers et la complexification de l’accès aux ressources humaines et matérielles ne permettent plus de garantir la production sereine du savoir. Ce faisant, le projet de LPPR contribuera également à accroître l’affaiblissement de la recherche française par rapport à celles des pays comparables, notamment en sciences sociales.

Dans un contexte de dégradation rapide des conditions d’enseignement à l’université, le seul avenir promis aux jeunes chercheur·e·s est déjà, dans le meilleur des cas, celui d’une longue suite de contrats courts et précaires parsemée de périodes de chômage. Cette situation risque de s’aggraver et ne garantit ni des conditions de vie et de travail décentes, ni une production scientifique de qualité. Par ailleurs, elle ne confère plus aux métiers de la recherche une attractivité suffisante permettant de recruter les professionnel·le·s de demain.

Ces deux projets de réformes affaibliront donc à la fois les services publics (dont celui de la recherche) et la mutualisation des grands risques (dont les retraites), qui constituent les deux piliers du contrat social français. Les récents mouvements sociaux – tel celui des gilets jaunes – ont pourtant montré l’importance qu’il y aurait, au contraire, à les renforcer.

Pour toutes ces raisons, nous réaffirmons, à l’égard de nos collègues bien sûr, mais aussi de toutes les institutions privées et publiques qui font appel à nos travaux pour éclairer leurs pratiques ou pour informer la société, ces valeurs fondamentales que sont la préservation du contrat social et la défense du service public de la recherche et de l’enseignement