Schengen : l’exemple tchéco-autrichien

par Mathilde DARLEY – décembre 2010

 

Mathilde DARLEY est chargée de recherche au CESDIP. Elle rend compte ici de résultats d’une recherche menée entre 2004 et 2007 sur les pratiques policières de coopération, dans le cadre de sa thèse de doctorat sur le contrôle de l’immigration irrégulière en Autriche et en République tchèque.

 

Si les travaux s’intéressant à la frontière dans une perspective interdisciplinaire (généralement regroupés sous la désignation anglophone de Border Studies) se sont multipliés depuis la fin des années 1980, ils se sont généralement concentrés sur l’étude de la vie sociale et culturelle aux abords des frontières, ainsi que sur les effets d’une ligne frontalière sur le vécu et les représentations des populations locales. Face à ce courant de recherche désormais bien établi, les travaux s’intéressant aux pratiques et représentations des groupes professionnels stationnés sur la frontière, à savoir les policiers, apparaissent au contraire relativement sous-développés [1].

La coopération policière aux frontières, en tant que volet particulier de l’activité policière, reste elle aussi peu explorée par les sciences sociales : les quelques travaux disponibles sont majoritairement le fruit de chercheurs anglophones et préfèrent souvent l’étude des politiques supranationales de coopération transfrontalière et des organisations policières chargées de leur application (telle Interpol) à l’observation des pratiques locales de coopération aux frontières.

À l’échelle européenne, les recherches sur la protection des frontières revêtent un intérêt particulier du fait de la centralité du contrôle frontalier dans le projet européen : les Accords de Schengen, signés en 1985 par l’Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, prévoient en effet la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen, au prix d’un renforcement des contrôles aux frontières extérieures (prévu notamment par la Convention d’application adoptée en juin 1990). La distinction entre frontières internes et externes est alors au cœur du projet européen et de l’intégration de nouveaux États membres.

Nous avons donc cherché ici, à partir d’observations conduites entre 2004 et 2007 à la frontière entre l’Autriche et la République tchèque (alors frontière extérieure de l’espace Schengen), à appréhender les modifications intervenant dans les pratiques policières de contrôle d’une frontière Schengen appelée à devenir une frontière interne de l’UE. Pour ce faire, nous avons conduit des entretiens avec la hiérarchie policière à Vienne et Prague, complétés par des observations de terrain et des entretiens avec les policiers des frontières stationnés à la frontière tchéco-autrichienne.

(1) Citons cependant les travaux de Josiah McC. Heyman sur les policiers à la frontière mexico-américaine, ceux d’Alexandra Schwell sur la coopération policière à la frontière germane-polonaise ou encore ceux d’Azilis Maguer sur la frontière franco-allemande.

 

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