Les coups et blessures volontaires suivis d’ITT jugés par un tribunal correctionnel de la région parisienne en l’an 2000

par Laurent MUCCHIELLI – janvier 2006

Laurent MUCCHIELLI, chargé de recherches au CNRS, enseignant à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, directeur du CESDIP, travaille notamment sur la délinquance juvénile et les violences interpersonnelles. Cette recherche a été réalisée avec la collaboration de Rachel PEDEJOUAN, statisticienne et étudiante à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

 

Le thème de « la violence » occupe aujourd’hui une place centrale dans la société française, à la fois comme peur, comme plainte, comme sujet de débat et comme enjeu des politiques publiques. Dans un contexte de désenchantement du monde, de perte de crédibilité des élites, de précarisation d’une frange croissante de la population, de développement d’un processus de ghettoïsation et de déclin des solidarités autres que familiales, l’avenir est devenu incertain et, pour beaucoup, inquiétant. Dès lors, le sensationnalisme médiatique et la démagogie politique aidant, il n’est guère surprenant qu’une partie de la population exprime fortement un sentiment d’insécurité qui, d’une part, dépasse largement l’expérience (personnelle ou familiale) de la victimation, d’autre part, a précédé dans le temps le développement de certaines formes de violences.

Pour approcher la réalité des comportements violents et leurs évolutions dans le temps, les chercheurs du CESDIP mobilisent différentes méthodologies. Interrogeant des échantillons représentatifs de la population, les enquêtes de victimation permettent de l’approcher au plus près et d’y rencontrer des victimes qui ne portent pas plainte et échappent par conséquent à l’enregistrement statistique policier et judiciaire. L’on peut parallèlement continuer à travailler sur ces sources institutionnelles qui, sans être représentatives, permettent néanmoins d’obtenir davantage d’informations sur les auteurs connus et poursuivis, sur leurs relations aux victimes, sur les motivations et sur les circonstances précises d’une partie des actes de violence. Après des recherches sur les homicides et les viols collectifs, nous présentons ici les premiers résultats d’une étude menée sur les 256 affaires délictuelles de coups et blessures volontaires (CBV) suivis d’incapacité totale de travail (ITT) survenus entre 1997 et 2000 et jugées durant l’année 2000 par un tribunal correctionnel de la région parisienne.

En nous tournant vers ces affaires délictuelles, nous nous situons à égale distance des affaires criminelles (homicides, tentatives d’homicides, coups et blessures suivis de mort, crimes sexuels) d’une part, et des violences les plus légères (violences verbales, altercations non suivies d’ITT) catégorisées en contraventions d’autre part. Nous cherchons dès lors à observer certains aspects ce que l’on pourrait appeler des violences « intermédiaires ».

Quatre limites interprétatives doivent toutefois être clairement indiquées.

  • Premièrement, ne sont par définition connues de la justice que les affaires élucidées par les policiers et les gendarmes.
  • Deuxièmement, près de la moitié (48,7 %) des condamnés en 2000 avaient déjà un casier judiciaire ce qui, en raison du poids du critère de la récidive dans toutes les décisions policières et judiciaires, suggère qu’une partie de la population de l’enquête constitue peut-être une « clientèle pénale ».
  • Troisièmement, des violences peuvent survenir également à l’occasion de vols (dont elles constituent alors des circonstances aggravantes) et ne font pas partie de notre enquête.
  • Quatrièmement, gardons en mémoire le fait que, cherchant dans un premier temps à connaître les violences les plus graves (dans la lignée de nos recherches sur les affaires criminelles), nous avons retenu le critère de l’existence d’une ITT pour sélectionner une partie de ces CBV délictuels.

 

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